« Les consultants agissent comme un virus : vous en laissez entrer un et ils infectent toute une organisation ». Un éditorial du « Financial Times », la semaine dernière, rapportait ces confidences assassines d'un capitaine d'industrie. A n'en pas douter, nombre de consultants ont dû juger ces propos caricaturaux, voire blessants. La phrase témoigne néanmoins d'une réalité, celle d'une incompréhension grandissante entre entreprises et cabinets de conseil. Le dernier baromètre du syndicat patronal Syntec Conseil en management indique que seulement 37 % des consultants considèrent que leurs relations avec les entreprises ont évolué positivement, contre 61 % auparavant.
Les cabinets paient-ils les excès de la période faste, où certains affichaient morgue, arrogance et honoraires hypertrophiés ? Ou bien leur reproche-t-on un manque d'innovation dans un monde devenu très complexe ? Soucieuses de proposer des solutions plus en phase avec la demande des clients, quelques sociétés de conseil repensent leur façon de travailler avec une clientèle de plus en plus avertie - de fait, les entreprises recrutent beaucoup d'anciens consultants. Leur objectif est de proposer une alternative au modèle anglo-américain, et de faire la démonstration de la réalité de leur valeur ajoutée via la réhabilitation de la créativité, de l'ouverture d'esprit et surtout du facteur humain.
Un facteur humain que Francis Rousseau, le PDG du cabinet de conseil en stratégie et organisation européen Eurogroup Consulting, place justement au cœur même de son positionnement et d'un récent manifeste. Lui qui ne veut plus entendre parler de « page PowerPoint assortie de trois camemberts », presse les consultants de se détacher de leur « boîte noire à "benchmarker" ». Autrement dit, qu'ils ne se contentent plus de regarder ce que font les meilleurs pour ensuite les copier.
Traditionnellement, pour transformer leurs organisations et faire évoluer leurs métiers, les dirigeants d'entreprise s'appuient sur des projets, des outils et de l'innovation produit.
« Mais ce qui conditionne leur réussite, c'est la capacité des organisations à mobiliser les équipes autour des projets », assure le cabinet Oasys Consultants. « Seule la prise en compte de l'engagement des parties prenantes internes peut garantir la performance des projets engagés », confirme Victor Waknine, associé gérant fondateur de Mozart Consulting.
Une alternative européenne
Et cela passe par quoi ? Par l'élargissement du regard. Chez Weave, une société de conseil en stratégie opérationnelle, on n'hésite pas à faire intervenir, en marge des missions, la romancière Alice Ferney ou le général Gil Fiévet, spécialiste des stratégies militaires, pour cultiver l'esprit d'ouverture. Eurogroup Consulting héberge des résidences d'artistes et passe volontiers par le truchement du théâtre pour mobiliser les équipes salariées de ses clients. Mozart Consulting, lui, s'appuie sur trois indices maison (le bien-être au travail, la dissipation de l'efficacité collective et la conduite collaborative du changement) pour « appréhender l'humain dans l'économique » et non l'inverse.
Tous ces pros du conseil ont compris qu'optimiser un processus d'achat, externaliser une fonction de l'entreprise ou encore investir dans un centre de profit partagé aident à la réalisation d'économies, mais pas nécessairement à la performance ou à l'augmentation de part de marché d'un groupe.
« A trop vouloir optimiser ses process, on peut scléroser une entreprise », prévient Didier Rousseau, le président de Weave, en déplorant les postures moutonnières de nombre de ses homologues, notamment d'origine anglo-américaine. Des concurrents auxquels Francis Rousseau est un des premiers à opposer une alternative européenne.
« Réhabilitons le réel, l'utilité, le produit, le service », tonne-t-il. Dans l'intervalle, le Syntec Conseil en management devrait rédiger, pour la fin de l'année, un Livre blanc sur la base d' interviews de dirigeants, d'acteurs institutionnels et d'experts. Avec l'espoir de mieux faire connaître « l'utilité économique et sociale du conseil » et de « valoriser une expertise commune ».
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