La plupart d’entre nous avons appris à tenir nos sentiments loin du travail et que le processus décisionnel doit se fonder sur le raisonnement logique et objectif. Pourtant, l’intelligence émotionnelle s’avère un atout maître pour reconnaître les éléments qui peuvent bloquer ou nuire à l’efficacité d'un projet.
A l’instar de l’avion supersonique Concorde ou de l’inutile complexité de la circulation automobile dans le quartier de la Défense à Paris, il est une forme d’intelligence dans le monde professionnel dont l’excès est parfaitement contreproductif.
Par Eric-Jean Garcia, Professeur affilié en Leadership à Executive Education Sciences-Po Paris.
Intelligence rationnelle et irrationalité de la nature humaine
Aujourd’hui, plus que jamais à l’ère du digital, la forme d’intelligence la plus recherchée dans les entreprises est l’intelligence logico-mathématique, c’est-à-dire la capacité d’un individu à manipuler des nombres, à faire des calculs et à résoudre des suites de problèmes logiques.
Emblématique de la finance, de l’ingénierie industrielle et maintenant de la vie algorithmique, cette forme d’intelligence rationnelle a presque toujours été surévaluée dans les programmes scolaires et a fait l’objet de nombreux tests standardisés dont le fameux QI.
Certes, avec l’avènement du mouvement RH des années 50 et celui du mouvement thérapeutique entamé dans les années 2000, un intérêt grandissant est accordé aux intelligences émotionnelles, sociale et introspective. Mais leur caractère éminemment subjectif et idiosyncratique ne facilite pas leur détection et encore moins leur mesure. Autrement dit, elles sont sujettes à caution.
A l’inverse, l’intelligence logico-mathématique s’appuie sur des faits et des chiffres ce qui lui confère beaucoup d’objectivité dans un certaine nombre de domaines et de disciplines. Mais la rigueur des approches quantitatives n’est pas sans limite. Par exemple, elle ne permet pas de rendre compte de toute la complexité de la vie sociale au sein d’une organisation.
L’utilisation abusive des outils quantitatifs a pour effet de simplifier le réel, de le dénaturer et de se façonner une certaine idée du monde et de sa complexité. Il devient alors difficile pour ses promoteurs de changer d’opinion et d’admettre certains aspects irrationnels ou imprévisibles de la nature humaine.
L’intelligence : savoir ce que l'on fait quand on ne sait pas
Dans les organisations, la prédominance de l’intelligence logico-mathématique dans les décisions impliquant sérieusement le facteur humain est souvent à l’origine de graves erreurs stratégiques, de réelles contre-performances et d’un manque flagrant d’innovations.
En matière de stratégie, le recours quasi systématique à cette forme d’intelligence n’incite pas à l’audace ni au courage dans les décisions car, à force de paramétrer les risques d’un projet, on finit par privilégier les solutions les moins risquées ou les plus conservatrices.
En matière de performance, la tentation de tout maîtriser par le calcul peut vite devenir une véritable obsession au point de faire triompher ce qu’il convient d’appeler un authentique fétichisme du chiffre et de la statistique au détriment du bénéfice client.
En matière d’innovation, on peut parler d’un véritable tropisme intellectuel puisque l’intelligence logico-mathématique se contente de traiter les problèmes rencontrés alors que l’innovation suppose d’être en capacité de déjouer des problèmes qui ne se sont pas encore posés.
Cette forme d’intelligence, si recherchée dans les écoles, les entreprises et les administrations est bel et bien surévaluée. N’oublions pas qu’une tête bien faite prévaut toujours sur une tête bien pleine car, comme le dit Jean Piaget, l’intelligence ce n'est pas tant ce que l’on sait, que ce que l'on fait quand on ne sait pas.
Dans ce pertinent article, Eric-Jean Garcia, Professeur affilié en Leadership à Executive Education Sciences-Po Paris, nous éclaire sur son importance en entreprise. Et vous qu'en pensez-vous ?
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Intelligence : trop de logique, pas assez d'émotionnel